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- Publié le mercredi 28 octobre 2009 11:46
Le 02 mars 2008, le ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République, Laurent ESSO, faisait tenir cette note au Chef de l’Etat : « Le rapport de mission de contrôle et de vérification menée par le Contrôle Supérieur de l’Etat et relatif à la gestion des programmes de lutte contre le SIDA, le Paludisme et le Tuberculose logés au ministère de la Santé publique, laisse apparaître des irrégularités et malversations évaluées à 14.806 850 926 FCFA. Le Ministre délégué à la Présidence de la République chargé du Contrôle Supérieur de l’Etat propose la traduction des mises en cause devant le Conseil de Discipline budgétaire et financière ainsi que les juridictions compétentes ».
Il a suffit de la mention « Accord » du Président de la République, Paul Biya, sur cette note assassine pour que l’affaire « Ministère Public et Etat du Cameroun contre Olanguena Awono Urbain et autres » soit déclenchée : forte mobilisation policière, arrestations spectaculaires dans les domiciles et autres lieux de service, tapage médiatique, présentation devant le procureur de la République, détention provisoire à la prison centrale de Kondengui, etc. Le scénario fatal était mis en œuvre pour présenter au public les mis en cause comme ceux par qui viennent toutes les souffrances et misères quotidiennes des camerounais.
Quelques jours plus tard, un son de cloche discordant manquait peu de perturber cette belle symphonie orchestrée par les représentants de l’Etat dans cette affaire. Michel Kazatchkine, Directeur Exécutif du Fonds Mondial, l’un des plus gros bailleurs de fonds des trois programmes gérés par l’ex-ministre de la Santé Publique, écrivait ceci aux membres de son équipe de direction : « Le Fonds Mondial est préoccupé par les arrestations - depuis la fin du mois de mars 2008 - de l’ancien Ministre de la Santé Publique de la République du Cameroun, Monsieur Urbain Olanguena Awono, ainsi que des Docteurs Maurice Fezeu, Raphael Okalla et Hubert Wang, respectivement Secrétaires permanents du Comité national de lutte contre le Sida, du Programme de lutte contre le paludisme et du Programme national de lutte contre la Tuberculose. Le Fonds Mondial a constamment suivi les développements de ces affaires à travers à la fois sa représentation locale au Cameroun et des autorités Camerounaises. A notre avis, l’axe des enquêtes menées par les autorités camerounaises n’engage pas le Fonds Mondial. En tout point de vue, tous les rapports financiers et la revue des programmes financés par notre Institution montrent à suffisance qu’ils ont été gérés de façon satisfaisante et à cette date, le Fonds Mondial n’a aucune preuve montrant une mauvaise utilisation des crédits alloués au Cameroun. »
Bien que publiée dans un hebdomadaire international de renom et relayée par un hebdomadaire camerounais, cette lettre est néanmoins passée inaperçue, engloutie par le flot des passions qui se déchainaient dans le public sur cette « grosse affaire » de détournement de deniers publics savamment mise en scène. Pourtant, à partir de cet instant là, la vérité, elle, commencera sa remontée du cours de la rivière dans le sens inverse.
Le 1er juin 2009, un collège d’experts judiciaires dûment assermentés commis par le juge d’instruction en mars 2009 rend son rapport. Il conclut, de manière non équivoque à l’inexistence des faits pouvant permettre de valider les allégations de détournements formulés contre les mis en cause. « Tout au long de la mise en œuvre de ces Programmes, aucun de ces différents intervenants n’a relevé de fautes imputables dans la gestion des fonds. Ainsi, nous pouvons affirmer que toutes les opérations financées par ces deux bailleurs de fonds n’ont pas connu au cours de la période de mise à disposition des fonds, d’irrégularités significatives pouvant être qualifiées de détournement de deniers publics. », affirme le Rapport d’expertise sur la gestion des programmes multisectoriels de lutte contre le SIDA, le Paludisme et la Tuberculose rédigés par les deux experts.
Pourtant, dans son « ordonnance de non lieu partiel et de renvoi devant le tribunal de Grande instance du Mfoundi à Yaoundé » signée le 1er octobre dernier, le juge d’instruction a choisi d’aller à l’encontre des conclusions du rapport des experts qu’il a lui-même commis. Sept personnes sont totalement innocentées certes, mais sept autres sont renvoyées devant le tribunal de Grande instance, au rang desquelles l’ex-ministre de la Santé publique, Urbain Olanguena Awono, à qui on impute, non plus 8,5 milliards de FCFA comme annoncés au chef de l’Etat le 02 mars 2008 pour obtenir son accord pour la traduction de l’intéressé devant « les juridictions compétentes », mais seulement 414 millions de FCFA qui restent eux-mêmes sujets à caution. Le sort réservé à ses proches collaborateurs n’est pas différent : Maurice Fezeu est renvoyé devant le tribunal de grande instance du Mfoundi pour un détournement présumé de 22 millions de francs cfa contre 2,4 milliards de FCFA au départ, Raphaël Okala est désormais poursuivi pour…. 1,4 millions de FCFA contre 370 millions de FCFA au départ, et Hubert Wang pour 13 millions de FCFA contre 587,6 millions de FCFA suivant les « fins limiers » du Contrôle supérieur de l’Etat.
Dès lors, que peut-on, que doit-on, que va-t-on en conclure ? Au sein de l’opinion, la question se pose de plus en plus et le Chef de l’Etat est plus que jamais interpellé par une frange de la population camerounaise de plus en plus nombreuse, qui commence à poser véritablement des questions sur la vraie motivation de cette opération Epervier et la sincérité des informations que les collaborateurs du Chef de l’Etat lui font parvenir de ceux qu’ils choisissent de jeter à la pâture du fauve.