Déclaration de l'ex-ministre au terme des plaidoiries
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- Publié le mardi 4 juin 2013 10:22
Audience du TCS de Yaoundé du 24 mai 2013:
Déclaration de l’ex-ministre de la Santé Publique, M. Urbain OLANGUENA AWONO, à la clôture des plaidoiries de sa défense.
Votre honneur, distingués membres du collège des juges du Tribunal Criminel Spécial (TCS),
C’est avec beaucoup de gravité que je prends la parole pour conclure ma défense à la suite des brillantes plaidoiries de Maîtres MONG Antoine, NYIABIA Joseph et ASSAMBA Claude.
Je suis devant vous pour répondre d’une calomnie, d’une cabale pernicieuse, malveillante, et indigne de la République.
D’emblée, je tiens à vous dire que toute l’accusation concernant les faits en procès repose sur une erreur intellectuelle monumentale, parce qu’elle confond la procédure de passation de marché public avec la procédure de déblocage et de transfert d’une subvention. L’accusation ne semble pas en effet connaître le périmètre d’application des règles de passation de marchés publics, car s’agissant des subventions aux ONG/Associations, il n’y a pas lieu ni besoin d’un marché public pour les transférer aux bénéficiaires identifiés. C’est une impossibilité à la fois technique et juridique.
La deuxième erreur monumentale de l’Accusation est de penser que le marché public serait le seul engagement juridique de l’Etat pouvant produire des effets financiers. Cela est naturellement inexact, car la législation financière du Cameroun admet bien que les baux, les conventions, les décisions ministérielles etc. sont sources d’obligations financières pour l’Etat (Article 1141 de l’instruction sur la Comptabilité de l’Etat jointe au décret n°67/DF/211 du 16 mai 1967 portant aménagement de la législation financière de l’Etat).
A partir de ces erreurs d’analyse et confusions intellectuelles, des charges imaginaires ont été inventées contre moi, avec au passage des violations flagrantes de la loi et des droits de la défense, dans une logique d’acharnement et de règlement de comptes.
C’est pourquoi je me permets, complémentairement aux plaidoiries des avocats, de fixer les points clés de la défense concernant l’illégalité même de la procédure d’une part et toute une série de méconnaissances établissant la vacuité des faits en procès d’autre part.
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Sur l’illégalité de la procédure
Sur ce plan, il est important de rappeler devant cette auguste juridiction certains principes fondamentaux du procès équitable, notamment le droit au recours de tout justiciable qui est un droit inaliénable.
Comme vous le savez bien, ce droit est garanti par les instruments internationaux, en l’occurrence le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (articles 5,14 et 26), et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples (article 7).
A ce propos, le 1er Président de la Cour Suprême, M. DIPANDA MOUELLE, (cf. discours de rentrée solennelle du 28 février 2013) dit, je le cite : « les conventions internationales auxquelles le Cameroun fait partie apparaissent suivant la lettre de la constitution elle-même comme la matrice référentielle des droits de l’homme applicables dans le pays. La loi ne peut que s’y conformer. Le législateur et le juge nationaux doivent s’atteler à appliquer leurs dispositions dans l’ordre juridique interne ». Fin de citation.
Dans le sens de cette doctrine, la constitution du 18 janvier 1996, dans son préambule que rend obligatoire l’article 65, énonce clairement le principe selon lequel « la loi assure à tous les hommes le droit de se faire justice ».
Monsieur le Président, distingués membres de la collégialité,
La prise en compte de toutes ces références de l’ordre juridique interne et international vous oblige à porter une attention prioritaire à l’examen préalable de notre exception de nullité de la présente procédure, et d’y apporter une réponse adéquate avec le souci de l’équité.
Votre Honneur, il est de notoriété publique que les procédures concernant les faits en procès ont été déclarées illégales et annulées pour cette raison. L’arrêt n°108/CRIM/ADD de la Cour d’Appel du Centre du 13 octobre 2011 ayant décidé l’annulation des charges en question a acquis l’autorité de la chose jugée à partir de l’arrêt n°41/P du 15 mars 2012 de la Cour Suprême du Cameroun déclarant irrecevable le pourvoi du ministère public contre ledit arrêt.
Dans ce contexte juridique, la réintroduction des poursuites concernant des charges annulées ne se justifie pas en droit. Elle est synonyme d’acharnement.
Elle est une violation grave du principe-clé de l’autorité de la chose jugée (article 62.al1.e du Code de procédure pénale) qui s’impose de façon impérative à toute juridiction. Car, comme disent les exégètes du droit: « La chose jugée a une autorité plus forte que la vérité elle-même ». Sacrifier le principe de l’autorité de la chose jugée ; c’est sacrifier la justice, dont elle fait partie du cœur nucléaire, c’est aller droit au mur. La justice, il faut le savoir, comme la santé, l’éducation est un bien public, un bien public commun, universellement reconnu.
La reprise des poursuites frappées de la nullité d’ordre public prévue à l’article 3 du Code de procédure pénale est aussi une violation frontale des dispositions de l’article 5 du même code qui énoncent sans équivoque que « les actes annulés sont retirés du dossier de la procédure et classés au greffe. Il est interdit d’y puiser les renseignements contre la personne concernée sous-peine de poursuites en dommages –intérêts ». C’est dire que le retrait de la procédure et le classement au greffe des actes annulés sont des prescriptions impératives.
Rassurez-vous, je ne poursuivrai pas vos collègues qui ont plongé le corps judiciaire dans l’embarras en répétant une activité judiciaire illégale. Tout ce que je veux, c’est le respect des droits de la défense, c’est le rétablissement de la vérité judiciaire et le retour à la légalité.
Lors de l’ouverture des débats concernant le dossier transféré à votre juridiction par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, vous avez clairement affirmé tenir compte des arrêts de la Cour d’Appel et de la Cour Suprême relativement aux faits en procès, en application des dispositions de l’article 5 susvisé.
Votre Honneur, c’est le moment de faire une application rigoureuse de la loi et ce dans l’intérêt supérieur de la justice. Donnez-vous le devoir de sortir notre justice de la zone dangereuse de non-droit où semble l’entraîner malicieusement l’activité illégale de certains juges de poursuites et d’instruction. Notamment ceux qui bafouent les principes du procès équitable, les droits fondamentaux de la défense et même remettent en cause les règles régissant l’organisation judiciaire du pays. Ce faisant, vous aurez fait honneur à la justice, vous aurez fait honneur à notre pays, et historiquement, votre jugement fera date. Car l’attitude même de ces juges qui reprennent les poursuites des charges annulées est une rupture déchirante avec le principe hiérarchique de l’organisation judiciaire du pays qui veut logiquement que les juridictions inférieures s’inclinent lorsque les juridictions supérieures ont réglé un point de droit, comme c’est le cas.
Retenez en outre que la reprise des poursuites concernant des charges annulées est un précédent dangereux en matière de sécurité juridique. Imagine-t-on un système judicaire où le prévenu vivrait dans une perpétuelle inquiétude, devenant otage de la variation des qualifications de mêmes faits ?
Cette question sur la sécurité juridique ramène le juriste logiquement dans le champ d’application de la maxime non bis in idem, dont l’évocation ne manque ni de sens, ni de pertinence pour éclairer la présente cause.
Enfin, les termes de ce nouveau procès qui s’appuie sur la violation de la règlementation sur les marchés publics poussent à s’interroger sur la légalité d’un tel fondement de la procédure.
En effet, jusqu’à date, le législateur camerounais n’a jamais décidé que la violation d’une règle de passation de marché public était une infraction pénale.
En vertu donc du principe fondamental de la légalité des crimes, des délits et des peines, « nullum crimen, nulla poena sine lege», personne d’autre ne saurait dire, aux lieu et place du législateur, que la violation d’une règle de passation de marché est un crime de détournement de deniers publics au sens de l’article 184 du code pénal. Le principe même de la séparation des pouvoirs garantie par la Constitution de 1996 (article 26) l’interdit.
Dès lors, l’assimilation de cette violation à une atteinte à la fortune publique, telle que formulée par le code des marchés publics, texte règlementaire, ne vaut pas législation, nonobstant toutes les interprétations abusives que s’autorisent certains.
Sur le plan de la législation, seule la loi n°74/18 du 5 décembre 1974 modifiée par la loi n°76/4 du 08 juillet 1976 évoque en ses articles 3 et 4 la violation de la procédure de passation de marché en termes d’irrégularité ou de faute de gestion, passible d’une amende et/ ou des déchéances administratives prononcées par le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière, qui est une juridiction administrative et financière. Il n’y a dans cette loi aucune définition d’une infraction pénale.
En revanche, il est possible que la violation de la règlementation sur les marchés publics ait servi de moyen pour détourner ; en ce cas, il faudrait caractériser l’infraction du détournement dans tous ses éléments constitutifs (intentionnel et matériel au sens des articles 74 et 184 du Code pénal). Notamment, l’intention de nuire aux intérêts de l’Etat et le préjudice subi devraient être démontrés.
Revenant sur le fond, il faut vous dire sans attendre, votre Honneur, distingués membres de la collégialité, que dans la procédure en cours, il n’y a ni violation de la règlementation sur la passation des marchés publics, ni détournement de deniers publics. L’accusation qui vous est soumise est donc vide.
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Sur la vacuité de l’accusation
La vacuité résulte essentiellement de quatre facteurs :
1°- L’accusation ne maîtrise pas la règlementation sur les marchés publics. Le juge d’instruction qui a inventé les charges en procès a de surcroît fondé son raisonnement spécieux sur des textes règlementaires abrogés, à savoir le décret n°95/101 du 09 juin 1995 modifié par le décret n°2000/155 du 30 juin 2000, et le décret n°95/102 du 09 juin portant attribution, organisation et fonctionnement des commissions de marchés, modifié par le décret n°2000/156 du 30 juin 2000. Tous ces textes ont été abrogés par l’article 165 du décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant code des marchés publics.
2°- L’accusation ne connaît ni la politique ni le processus de la contractualisation des activités avec les ONG/Associations dans le domaine de la santé. L’accusation n’a jamais pris en compte l’existence du cadre juridique de la contractualisation, ni compris ses mécanismes.
3°- L’accusation ne maîtrise pas non plus le droit budgétaire régissant les subventions.
4°- L’accusation ignore la loi des parties dans le cadre d’un Accord de financement international en l’occurrence l’Accord de don avec le Fonds Mondial et ses annexes concernant le projet « Augmenter la Prévention du Paludisme ».
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Méconnaissance de la règlementation sur les marchés publics
Le marché public et la contractualisation avec les ONG/Associations sont deux mécanismes contractuels distincts qui n’obéissent ni aux mêmes objectifs ni aux mêmes règles. Il ne faut donc pas les confondre, car les mots ont ici un sens primordial.
Par construction et conformément à la définition même du marché public (article 5 du code de marchés), le cocontractant de l’Etat dans ce cadre est un opérateur ou un établissement faisant des actes de commerce au sens de l’article 3 du Code OHADA.
Il est incontestable que les ONG/Associations à but non lucratif ne font pas des actes de commerce et par leur statut, elles ne sont pas inscrites comme les établissements commerciaux au registre de commerce.
Le régime fiscal des ONG/Associations à but non lucratif écarte également toute possibilité de passer un marché public avec ces entités, qui ne peuvent satisfaire au régime fiscal et douanier des marchés publics tel que fixé par le décret n°2003/651/PM du 16 avril 2003. Notamment, en matière de fiscalité directe, les ONG/Associations sont exonérées de l’impôt sur les bénéfices et de l’impôt sur les sociétés en application de l’article 4 de Code Général des Impôts. Il s’agit donc des impôts directs et non des impôts indirects (douanes, TVA, précomptes locatifs etc.) que tout contribuable paie, et auxquels le ministère public fait référence dans son raisonnement. Au total, je persiste et signe devant ce Tribunal, sur la foi de mon expérience et de mes connaissances de la règlementation financière du Cameroun, que les ONG/Associations qui ne recherchent pas le gain, ne sont pas éligibles aux marchés publics, elles ne peuvent même pas remplir les conditions administratives de la soumission à la commande publique.
Affirmer le contraire est une contrevérité regrettable imputable à une mauvaise connaissance du droit des marchés publics. C’est chercher à induire le Tribunal en erreur. Ce à quoi s’attèle tristement le ministère public affichant avec aplomb toute sa mauvaise foi.
Le rapport de la mission du Contrôle Supérieur de l’Etat concernant les faits en procès n’a relevé aucune violation de la procédure de passation de marchés publics, justement parce qu’il n’y avait pas matière à passation de marchés avec les associations. Les témoins de l’accusation sur ce point n’ont pas remis en cause leur rapport et l’un d’eux a déclaré qu’ils n’ont rien imputé au ministre de ce chef.Aussi est-il faux d’affirmer comme le fait le ministère public que ces charges sur la prétendue violation de la règlementation des marchés publics ont été mises à nu par la mission de vérification.
Le Tribunal est donc tout simplement en présence des charges créées sur des bases juridiques erronées par un juge d’instruction, M. DONHOU David, qui, saisi de charges initiales pour dépenses injustifiées et de matériel de sensibilisation non livré qui n’ont pas prospéré, s’est cru obligé d’en inventer. Malheureusement c’est du mensonge.
Votre Honneur, distingués membres du collège,
La vérité par contre est que dans le domaine de la santé, il existe un corpus législatif et règlementaire, une stratégie partenariale adoptée et une résolution internationale de l’OMS qui fixent le cadre de collaboration avec les ONG/Associations. L’Accusation n’a jamais daigné prendre connaissance du dispositif et des instruments de la contractualisation en vigueur dans le secteur de la santé.
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Méconnaissance du dispositif de la contractualisation avec les ONG/Associations dans le domaine de la Santé
La politique contractuelle ou la contractualisation, dont tous les instruments juridiques ont été versés dans le dossier, est une stratégie-clé de gestion du secteur de la santé. Ce sont ses instruments en vigueur au Cameroun que méconnaît totalement l’accusation par mauvaise foi et surtout par peur de la vérité.
L’Accord de partenariat de 27 août 2003, signé pour la période 2003 à 2005, avec l’Association Camerounaise de Marketing Social (ACMS) s’inscrit en effet dans le cadre conventionnel de la contractualisation en vigueur à l’époque des faits.
Cet Accord ne déroge pas d’ailleurs à l’Accord-cadre du 29 janvier 1996 par lequel le Gouvernement avait convenu avec Population Service International (PSI), maison –mère de l’ACMS, du développement du Marketing social au Cameroun. Il en est le prolongement, tout comme l’Arrangement de 2001 sur le Projet de marketing social du préservatif financé par KFW à 6,5 Millions de DM, avec l’ACMS comme Agence d’exécution.
L’exécution du projet PPTE «100 % Condom » confiée à l’ACMS dans le cadre de cet accord est donc logique et régulière, d’autant que dans sa formulation le projet, monté par mon prédécesseur, indiquait clairement de contractualiser l’activité avec les ONG/Associations. L’on est resté dans le mandat originel de l’ACMS et dans la continuité de l’action gouvernementale.
L’Accord était un cadre de partenariat avec un opérateur associatif disposant d’une expertise unique où pouvaient s’exécuter plusieurs activités sur deux ans. Il n’était pas chiffré. Dire que le montant de cet Accord était de 200 millions de F CFA et que l’on aurait engagé 260 millions est une contrevérité.
L’Accusation se trompe d’analyse sur le mémoire de dépenses des 200 millions effectivement débloqués par le ministère de Finances sur un engagement de 260 millions représentant le coût réel du Projet PPTE concerné. Ce mémoire de dépenses qui met en relief un cofinancement de plus de 53 millions provenant d’autres sources que l’Etat prouve que le financement de 200 millions de F CFA débloqués n’était pas suffisant.
Le mémoire de dépenses aurait été de 260 millions si l’Etat avait débloqué la totalité des sommes engagées. Il n’est donc pas le coût de la convention.
Dès lors, cet Accord de Partenariat sans coût ne peut pas être et n’est pas un marché public comme l’affirme l’Accusation. Ni dans son objet, ni dans sa forme et son contenu, il ne peut être considéré comme un marché dont les clauses obligatoires (article 56 du Code de marchés publics) sur les cautionnements, les Clauses Administratives Générales, et particulières, la fiscalité, l’imputation financière, la réception n’y figurent pas.
C’est encore une fois une contrevérité de l’Accusation qui excelle dans le mensonge. Afin que nul n’en ignore, je tiens à préciser qu’il est techniquement impossible d’engager un marché public sur une ligne de subventions aux ONG/Associations comme c’est le cas. Un tel engagement ne pourrait jamais passer.
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Le droit budgétaire applicable aux subventions est méconnu par l’Accusation
Selon l’article 11 du décret n°2003/011/PM du 9 janvier 2003 portant nomenclature budgétaire de l’Etat du Cameroun, les subventions sont des dépenses de transfert, classées parmi les opérations budgétaires de nature économique.
Techniquement, la mise en place de la subvention correspond à une mise à disposition des fonds au profit du bénéficiaire.
L’Etat prévoit ainsi chaque année cette catégorie de dépenses dans ses opérations budgétaires au profit de diverses entités, dont les ONG/Associations dont il appuie l’activité d’intérêt social.
Le processus de déblocage de la subvention, qui n’a strictement rien à voir avec la passation d’un marché est règlementé et s’enclenche avec la signature d’une décision de l’ordonnateur visé préalablement par le contrôleur financier. C’est ensuite que l’engagement budgétaire est signé, toujours après le visa de régularité budgétaire du contrôleur financier.
Agissant dans ce cadre, ma décision n°277/MSP/SG/DRFP/ du 05 juillet 2004 autorisant le déblocage de FCFA 260 millions au profit de l’ACMS-PMSC a respecté rigoureusement la règlementation financière en vigueur, notamment la circulaire sur l’exécution du budget 2004. C’est pourquoi, elle est revêtue du visa de régularité budgétaire du contrôleur financier conformément aux dispositions du décret n°41 du 03 février 1977 fixant les attributions et l’organisation des contrôles financiers, et à celles de la circulaire sur l’exécution du budget 2004.
Prétendre comme l’Accusation que cette décision est irrégulière est une contrevérité aussi malveillante que chargée de mauvaise foi.
Cette malhonnêteté intellectuelle est aussi manifeste lorsque l’Accusation affirme que le virement de la subvention sur le compte bancaire du bénéficiaire est interdit. Une telle interdiction n’existe pas. Voilà une contrevérité de plus. La vérité est quant à elle restituée au titre 4ème, chap.1er, paragraphe A, pp 50 et 54 de la circulaire n°04/001/MINFI/B du 08 janvier 2004 portant instructions relatives à l’exécution du budget qui dit : « La subvention est virée dans un compte bancaire ouvert auprès d’un établissement bancaire agréé par l’autorité monétaire ».
Cette prescription a été respectée et ma décision susvisée a précisé le compte bancaire de l’ACMS-PMSC à la CITY Bank –Yaoundé où la subvention a été virée.
Votre Honneur, distingués membres de la collégialité,
Bien que le Ministre en charge des Finances demeure l’ordonnateur principal du budget de l’Etat, il est reconnu aux autres ministres, ordonnateurs secondaires, un pouvoir de décision sur leur budget. Ils sont notamment juges de l’opportunité de leur dépenses.
En vertu de cette liberté de choix, la subvention de 200 millions mise en place par le ministre de finances étant insuffisante pour financer un projet de F CFA 260 millions, j’ai décidé de débiter sur proposition de mes services financiers la ligne intitulée « primes pour travaux spéciaux » à hauteur de 60 millions manquants. Le contrôleur financier a visé la décision, approuvant par là le choix technique proposé par les services financiers du ministère de la santé.
Il convient de préciser à ce propos que le ministre des Finances chargé de mettre en place notre budget de dépenses PPTE 2004, après les arbitrages du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, n’a jamais été saisi d’un projet de paiement de primes pour travaux spéciaux. Nous n’avons pas prévu ce type de dépenses, et c’est donc une erreur d’imputation qui a été faite à son niveau (direction du budget).
Débiter cette ligne budgétaire oisive pour abonder le financement d’un projet normalement budgétisé mais imputé sur une ligne insuffisamment fournie relève d’un choix gestionnaire tout à fait normal; face auquel l’argument de changement de destination de crédits manque de pertinence.
En revanche, le rejet du bon d’engagement N°027244 du 05/07/04 de FCFA 60 millions par la direction du budget du ministère des Finances relève des prérogatives exclusives de cette administration. Les motifs du rejet n’ont pas été communiqués au ministre de la santé. On en déduit qu’il s’agit d’un rejet technique dans le cadre de la régulation de la dépense comme il y en a au quotidien et des milliers chiffrés à des dizaines de milliards par an.
Mais jamais en droit budgétaire, rien, ni la loi, ni les textes règlementaires, ni la pratique budgétaire, ni les circulaires, n’a défini le rejet technique d’un engagement budgétaire comme une tentative de détournement de deniers publics.
Une telle invention outrancière de la part du juge d’instruction suivi par l’Accusation manque de sérieux et ne correspond naturellement à aucune réalité. Rien de tel n’existe en droit budgétaire.
Les 200 millions effectivement débloqués ont été bien utilisés et justifiés, en cofinancement certes, et le Cameroun a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE dont la réalisation du Projet était l’une des conditionnalités.
Comment peut-on parler d’une tentative de détournement pour paiement des primes alors que l’objet de ma décision visait exclusivement les activités de promotion de l’usage correct du préservatif auprès des groupes cibles notamment les prostituées, la communauté portuaire, les transporteurs et les soldats?
L’accusation ne manque pas de grossir son mensonge lorsqu’elle tente d’expliquer que la tentative n’a échoué que grâce à l’opposition du Comité consultatif de suivi de la gestion des ressources PPTE. Un mensonge énorme qui ne tient pas ; à cela deux raisons:
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Le Comité Consultatif n’est pas une structure exécutoire dans la chaîne des dépenses. C’est un organe consultatif extérieur qui donne des avis au gouvernement sur l’éligibilité des projets PPTE,
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Aucune matérialisation factuelle de l’opposition du Comité au paiement de l’engagement n’existe, l’accusation n’étant pas en mesure de présenter le moindre indice d’une décision, d’un avis ou d’une recommandation du Comité consultatif. On est alors dans le champ immoral de l’affabulation.
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Les dispositions de l’Accord international de don avec le Fonds Mondial sont méconnues
L’Accusation dans l’affaire des dépliants livrés par les associations au Programme National de lutte contre le Paludisme a fait l’option d’écarter le cadre légal et conventionnel de l’Accord de don avec le Fonds Mondial pour se borner à spéculer sur une prétendue violation de la règlementation sur les marchés publics.
Dans sa fixation, l’Accusation affirme péremptoirement que le ministre a signé des marchés avec les ONG/Associations, mais ne peut pas présenter lesdits marchés au Tribunal, car ils n’existent tout simplement pas.
En revanche, l’Accord de don n°CMR-304-G02-M du 10 septembre 2004 versé dans la procédure a établi à l’article 10-b le principe que le Bénéficiaire principal des subventions, en l’occurrence, le Ministère de la santé, puisse transférer une partie des ressources aux entités sous-récipiendaires pour leurs activités programmées et budgétisées dans le cadre du projet.
Dès la conception du projet « Augmenter la prévention du Paludisme au Cameroun», les associations ont été des partenaires –clés du Programme, aussi a-t-il été prévu pour des raisons évidentes d’efficacité opérationnelle de leur confier une partie des activités du projet financé par le Fonds Mondial et en accord avec celui-ci. C’est même l’un des principes fiduciaires –clés du Fonds Mondial que de confier une partie de ses financements au soutien des actions de terrain de la société civile qui a œuvré par ailleurs activement à son avènement.
Dans ce sens, le plan d’action de 2004, annexe de l’Accord de don et partie intégrante incontestable de celui-ci, a donc précisé clairement les activités transférées aux associations-partenaires du projet avec la prévision budgétaire y afférente.
Il s’agit notamment de toutes les activités de communication interpersonnelle, objet de l’objectif n°4 du projet, où figure l’activité de production de dépliants. En fait, toutes les opérations permettant aux associations de mener efficacement les activités de communication ont été, dans la conception du projet, transférées à ces acteurs sociaux.
Dans ce cadre, la production des dépliants a été planifiée et budgétisée à hauteur de FCFA 160 millions et ce sont 122 millions qui ont été mis à disposition des associations sélectionnées sur appel à candidatures.
L’ensemble des dispositions de l’Accord dont tous les documents, y compris le plan d’action 2004, ont été certifiés par la partie civile, forme la loi des parties. Elle s’impose à tous, et la République du Cameroun est tenue de respecter ses engagements. C’est ce que j’ai fait en son nom.
Le transfert des subventions a été fait au profit des associations sélectionnées sur appel à candidatures conformément aux dispositions du manuel de procédures administratives, financières et comptables du projet.
Selon les règles fiduciaires du Fonds Mondial que j’ai rappelées à chaque association bénéficiaire de ses ressources, chacune d’elle devenait bénéficiaire secondaire ou sous-récipiendaire, comptable de sa gestion devant le Bénéficiaire principal et devant les auditeurs du Fonds Mondial.
Pour restituer correctement le sens de mots, la qualité de sous-récipiendaire du Fonds Mondial n’a rien à voir et ne se confond point avec la notion commerciale de sous-traitant évoquée malencontreusement par la partie civile.
Enfin, votre Honneur, il est difficile de comprendre la démarche du ministère public qui, concernant les mêmes faits, introduit au départ une instance au titre de dépenses fictives, se ravise en chemin et change son fusil d’épaule pour poursuivre la violation de la règlementation des marchés publics, et revient à nouveau dans ses réquisitions définitives, sur la charge de dépenses fictives qu’il n’a pas prouvée et a abandonnée.
Ce mouvement de bascule veut dire que le ministère public rame, et sa démarche, à tout le moins, manque de cohérence.
En tout état de cause, tous les audits ont apporté la preuve de l’effectivité des prestations des associations. Les activités de communication interpersonnelle, avec le dépliant comme support, ont été menées de manière efficace et satisfaisante. Ce qui a conduit le Cameroun à obtenir les 15 millions de dollars U.S au titre de la deuxième phase de financement de son projet «Augmenter la prévention du Paludisme».
Voilà la vérité, votre Honneur, distingués membres de la collégialité.
En vertu de l’éthique citoyenne, je pense que personne ne doit se sentir obligé de mentir pour accabler l’autre.
La morale doit être la limite du zèle, surtout lorsque celui-ci menace de tuer l’intelligence. Quoi qu’il en soit, nous devons toujours faire attention à l’histoire et à l’avenir de notre pays, à l’intérêt supérieur duquel tout doit être subordonné.
L’histoire de ce procès s’écrira toujours avec la déclaration du Directeur Exécutif du Fonds Mondial, Professeur Michel Kazatchkine, qui a dit au monde entier, quelques mois après mon arrestation, je le cite : « En tout point de vue, tous les rapports financiers et la revue des programmes financés par notre institution montrent à suffisance qu’ils ont été gérés de façon satisfaisante et à date. Le Fonds Mondial n’a aucune preuve montrant une mauvaise utilisation des crédits alloués au Cameroun » fin de citation. Les opérations de 2007 à 2009 ne concernent pas ma gestion; encore moins les irrégularités décelées après.
Votre Honneur, distingués membres de la collégialité,
Pour conclure, j’ai noté que le ministère public a requis ma culpabilité sur la base d’un raisonnement dont les fondamentaux juridiques sont erronés et dont le principe est la contrevérité et le soupçon. Cela veut dire qu’il vous pousse à l’erreur judiciaire voire à « l’assassinat judiciaire » d’un innocent, pour reprendre la formule choc d’un éminent magistrat, en l’occurrence le Procureur Général près la Cour Suprême, M. RISSOUK.
En effet, vous demander de me déclarer coupable d’avoir par la violation de la procédure de passation de marchés publics, obtenu frauduleusement 122 millions et 200 millions, et d’avoir tenté d’obtenir frauduleusement 60 millions, revient à vous commander une parodie de justice.
La démonstration a été largement faite que j’ai eu à transférer des subventions budgétisées aux associations conformément à la règlementation financière du Cameroun d’une part, et aussi dans le respect des dispositions d’un Accord international avec le Fonds Mondial d’autre part.
Il n’y a aucune violation des règles de passation de marchés publics, dans l’un et l’autre des cas.
Si les mots et la réalité ont un sens, qu’est-ce que j’ai obtenu frauduleusement ?
Il est établi que les ressources transférées aux associations ont servi pour les activités programmées et ont atteint leurs objectifs.
Dans ces conditions, doit-on me déclarer coupable d’avoir travaillé avec les associations et d’avoir ce faisant contribué à atteindre le point d’achèvement ?
Doit-on me déclarer coupable d’avoir travaillé avec les associations et d’avoir ce faisant ramené 15 millions de dollars U.S soit 10 milliards de FCFA du Fonds Mondial pour sauver des vies camerounaises ?
Au fond quel préjudice l’Etat du Cameroun a-t-il subi ?
C’est là tout le paradoxe de cette affaire aussi absurde que Kafkaïenne.
X XX
Pour ma part,
J’ai agi dans le respect des lois et règlements budgétaires et financiers du Cameroun ;
J’ai agi dans le cadre de ma responsabilité et de ma compétence ministérielles ;
J’ai agi dans le respect de la politique de santé du gouvernement et des objectifs assignés, toujours dans le souci des populations camerounaises ;
J’ai agi dans le respect du dispositif légal et règlementaire de la contractualisation avec les ONG/Associations dans le domaine de la santé;
J’ai agi dans le respect des dispositions claires et nettes d’un accord de financement international avec le Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme ;
J’ai agi pour assurer le respect des obligations internationales du Cameroun dans le cadre de cet Accord;
J’ai mis en place avec les bailleurs de fonds du Cameroun, un cadre de gestion rigoureux et intègre s’appuyant sur les instruments conformes aux standards internationaux;
J’ai agi dans la transparence en collaboration avec les ONG/Associations pour des raisons d’efficacité opérationnelle et de performance ;
Je n’ai violé aucune règle de passation de marchés publics et,
Je n’ai passé aucun marché avec les associations;
J’ai respecté la loi et la morale;
Je n’ai commis aucune fraude ;
Je n’ai détourné ni tenté de détourner aucun centime de F CFA, ni d’Euro, ni de Dollar.
Vous comprendrez donc votre Honneur le sentiment d’immense injustice qui est le mien.
Monsieur le Président, distingués membres du collège,
Je n’ai fait aucun mal, je n’ai rien pris à mon pays dans l’exercice de mes fonctions, je l’ai plutôt servi loyalement.
Aucune faute de gestion frauduleuse ne peut m’être imputée.
En vous présentant mes respectueux hommages pour votre patience et votre écoute, puissiez-vous me juger en ayant à l’esprit cette parole de Dieu à Moïse, je cite : « Tu ne commettras point d’iniquité dans tes jugements, tu n’auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice » ? (Lévitique, 19, 15).
Le peuple camerounais au nom de qui vous me jugez attend votre décision ;
Le monde attend également votre décision ;
Que l’Esprit de Dieu, l’Esprit de vérité, guide vos délibérations et inspire l’exercice de votre serment!
Je vous remercie.