Les avocats dénoncent l’enlisement de la procédure


Non sans avoir, au préalable, présenté ses excuses aux accusés ainsi qu’à leurs conseils. «Comme vous le constatez, explique-t-il, les deux autres membres de la collégialité sont absents, en raison de leur calendrier surchargé. Nous nous en excusons. Nous nous proposons, dans un premier temps, de remettre cette audience à deux semaines et d’élaborer, par la suite, un chronogramme prévoyant deux audiences par semaine, probablement les mercredis et jeudis. Ceci nous permettra, avoue le juge Mpondo, de rattraper le retard que nous accusons dans le cadre de cette procédure ».

Il n’en faudra pas plus pour que du côté de la défense, l’on manifeste son agacement et son indignation. «Nous déplorons, proteste Me Atangana Ayissi, ces renvois à répétition. Ceci provoque des contre temps qui préjudicient énormément les intérêts de la défense. Nous n’en sommes pas, rappelle l’avocat, au premier renvoi pour le même motif. Nous souhaiterions, suggère-t-il, que vous soyez un peu plus prévoyant par rapport au calendrier d’audiences des magistrats. De plus, poursuit-il, nous souhaiterions que votre chronogramme soit élaboré en collaboration avec les avocats de la défense ». « C’est le souhait du tribunal, rétorque le juge. Les audiences étant publiques, nous allons arrêter ce chronogramme de commun accord ».

Procès équitable

Cette exigence d’un procès équitable formulée par Me Atangana Ayissi a fait, récemment, l’objet d’une requête adressée au Garde des Sceaux par les avocats constitués pour la défense des accusés dans l’affaire Olanguena. .Dans cette correspondance, Maîtres Mong, Nyiaabia, Jogo, Assamba et Bipan attiraient la « haute attention de Amadou Ali sur le processus judiciaire inéquitable à l’oeuvre dans le dossier de l’affaire Olanguena, et consistant à maintenir en détention provisoire, pour une très longue période déjà, et sans jugement, des personnes contre lesquelles aucune véritable preuve de détournement de deniers publics n’est rapportée jusqu'à présent par l’accusation ».

Et de rappeler que, au terme de 18 mois d’instruction, les accusés avaient été, finalement, renvoyés pour le détournement de 680 millions Fcfa, contre 14, 8 milliards Fcfa excipés au départ ; que 05 mois après l’intervention de l’ordonnance de renvoi, un seul témoin de l’accusation, sur une liste de 25 soumise par le parquet, a achevé sa déposition. A ce rythme, dénoncent les avocats, il est fort légitime de poser la question du respect des délais raisonnables de jugement et de détention des personnes non condamnées, mais privées de liberté depuis bientôt 3 ans.

Et de rappeler les termes de l’article 9 alinéa 3 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques dont le Cameroun est signataire : «Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle… ».

Par ailleurs, précisent les avocats, «la garantie d’être jugé sans retard excessif est également affirmée par le Pacte, autant que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui prescrit dans son article 7.d : le droit pour tout justiciable d’être jugé dans un délai raisonnable, par une juridiction impartiale». C’est pourquoi, pour toutes ces raisons, les avocats sollicitent, en faveur de leurs clients, «le bénéfice des dispositions de l’article 64 du Cpp», synonyme de leur libération.

Urbain Olanguena Awono a été interpellé au petit matin du 31 mars 2008 à son domicile au quartier Emana à Yaoundé. Après 9 jours de garde à vue dans les locaux de la Direction de la Police judiciaire à Elig Essono à Yaoundé, l’ex-ministre de la Santé publique est déféré et présenté au juge d’instruction. Accusé de détournement de deniers publics, il sera inculpé et écroué, le même jour, à la prison centrale de Yaoundé à Kondengui. C’était le 08 Avril 2008.

© Mutations: Evariste Menounga

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